Le Minitel en œuvre

Art de la communication : le message est le médium dans le village global

Fred Forest sera le premier pour la Bourse de l’imaginaire réalisé au Centre Pompidou à faire usage public du Minitel alors qu’il est encore expérimental à Vélizy. Il s’en servira notamment pour enregistrer les faits divers que le public lui transmet par voie postale pour les mettre en consultation à distance. Au début des années 1980, Fred Forest développe une réflexion et un ensemble d’actions autour du concept “d’art de la communication”. Dans ce contexte, le Minitel est un média qui vient s’inscrire naturellement dans sa pratique et qu’il utilisera à plusieurs reprises. Dans le cadre de l’exposition Electra au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris en 1983-84, il propose L’Espace Communicant constitué de 40 lignes téléphoniques, 10 minitels et des répondeurs sont installés dans le musée. Les numéros et codes d’accès sont communiqués via la presse écrite et la radio. Dans le musée, le public peut répondre au téléphone et aux messages. Des annonces ont été passées dans la presse écrite et arrivent sur le Minitel, en direct ou en différé via répondeurs et messageries. Ce qui constitue une transgression selon la déontologie des Postes et Télécommunications : le privé devenant public et devra nécessiter l’intervention et l’autorisation de son ingénieur général. Le public peut également appeler et laisser des messages. Toutes les communications sont amplifiées. Le Minitel, comme souvent dans la pratique de Forest, n’est pas utilisé seul, mais en combinaison avec d’autres médias, non pour délivrer de l’information, mais pour son potentiel de communication entre les gens. Le contenu de l’œuvre est l’acte de communication lui-même, sa mise en scène. La mise en lumière de cette place virtuelle du village global en émergence où se rencontrent des inconnus et où la question n’est pas comme aujourd’hui “où es-tu ? mais “qui es-tu ?“.

Au cours de cette opération la Radio RMC réalise un direct où Paul Prébois et Danielle Evenou appellent eux-mêmes en direct l’Espace communicant de Fred Forest pour s’entretenir de la sorte par Minitel et téléphone avec des inconnus en visite au Musée d’art Moderne de la ville de Paris.

Dans les années 1988 Fred Forest réalise une autre installation utilisant le minitel pour le Centenaire du Musée des Beaux-Arts de Toulon où le public peut échanger avec les héroïnes du tableau de David : Zénaïde et Charlotte. Une fois de plus l’artiste privilégie la participation avec le public au travers un dispositif de communication qui met en œuvre quatre médias : la peinture, la presse écrite (Var Matin) qui a publié en première page le tableau de David et le Musée de Toulon lui-même. Grâce à l’artiste toulonnais Jean-Noël László, son assistant, surveillant l’opération sur toute la durée de son exposition, deux jeunes comédiennes occuperont l’agence des Télécom où elles font participer le public à l’opération.

Utilisation du Minitel

https://www.digitalmcd.com/art-telematique/
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Le contact personnel qu’a induit Fred Forest dès 1981 avec Gérard Théry, ingénieur général des TELECOM qui a lancé le Minitel, a grandement facilité son accès à ses équipements, un des tout premiers comme artiste. Notamment pour la Bourse de l’imaginaire qu’il a réalisée au Centre Pompidou en 1982. Le Minitel a joué un rôle majeur pour les Français dans leur initiation à la communication électronique. Le hasard lui a fait rencontrer de nouveau Gérard Théry dans un bistrot du 13ème arrondissement quelques années plus tard alors qu'il était désormais à la retraite, devenu historien des télécoms. La gorge nouée, il lui avait fait part de toute sa nostalgie pour cette chance stupidement ratée pour la France. Comme le souligne Annick Bureaud, d'autres artistes comme Frédéric Develay et Orlan, ont joué un rôle majeur dans l’art télématique avec leur revue-galerie ART-ACCES, tandis que Marc Denjean, vraiment doué abandonnait l’art pour se vouer à des recherches techniques et que seul Olivier Auber voyait son œuvre : le générateur poétique, perdurer.

Technologie : Lancé au début des années 80 le Minitel, ce petit boîtier gris au clavier bruyant et à l'écran bombé, aura marqué l'ancêtre du réseau Internet à l'échelle française. Ce samedi 30 juin 2012, Orange débranchera définitivement le réseau malgré les milliers d'utilisateurs français encore actifs.

Texte d’Annick Bureaud

Under the name "Minitel", France implemented a comprehensive network that was widely used throughout the 1980s. In 1984 Minitel terminals were distributed to subscribers free of charge, which helped to further popularize the network. From 1983 to 1994 (the year of the Internet boom), use of the Minitel grew continuously. In 1995 there were 7 million Minitel terminals in France. It was also possible to access the Minitel through the web. France discontinued the Minitel service in 2012. For her chapter "Art and Minitel in France in the '80s", in Social Media Archeology and Poetics, French curator, critic and researcher, explores an important array of digital art and electronic literature. In her words that open the chapter:

"In June 2012, after 30 years of 'good and loyal services,' the French Telecom terminated its videotex system, famous worldwide under the name Minitel. From the very beginning, the Minitel was the territory of art projects and art experiments. With a few exceptions, what remains of those artworks, created mostly between 1982 and 1988, is traces, residue, and documentation. The process to discover, collect, and analyze those fragments in order to elaborate their history has just started. At the time of writing (November 2014), I have identified 73 projects created under the umbrella of the online magazine-gallery ART ACCES Revue and 33 artworks carried independently by 8 artists or groups of artists. In both cases, it should be taken into consideration that these figures are not definitive. Based on this initial cartography, some of the ideas and aesthetics that informed these works and the contexts in which they were created are presented and discussed here."
Her chapter covers the exhibitions Electra, at the Museum of Modern Art of the City of Paris, and Les Immatériaux at the Pompidou Center, the work of , Jean-Claude Anglade's Le Vallée aux images, Le Générateur poïétique by Olivier Auber, telematic novels including ASCOO and L'Objet perdu, the work of Marc Denjean, and the ART ACCES Revue Co-founded by Orlan and Frédéric Develay. Here is the abstract: Art and Minitel in France in the '80s Annick Bureaud "The Minitel (French videotex system) is often considered as a "pre-Internet" platform and the art that was created with it as belonging to "network art" and/or "collaborative" practices on a "social media" avant la lettre. In which respect is this true? This article provides an initial map and a typology of minitel-based creative practice by identifying works and documenting its context as it happened in France, compared to other countries. With detailed descriptions of selected works and of the ART ACCES online magazine-gallery project, it proposes an analysis that will be compared to and confront net art, new media art, and current trends in e-publishing."

Fred Forest est le premier des artistes à utiliser le Minitel au Centre Pompidou dans sa version expérimentale mise au point à Vélizy en juin 1982 dans son projet la Bourse de l’imaginaire.

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